Le petit

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” Que peut-il ? Tout. Qu’a-t-il fait ? Rien.

Avec cette pleine puissance, en huit mois un homme de génie eût changé la face de la France, de l’Europe peut-être.

Seulement voilà, il a pris la France et n’en sait rien faire. Dieu sait pourtant que le Président se démène : il fait rage, il touche à tout, il court après les projets ; ne pouvant créer, il décrète ; il cherche à donner le change sur sa nullité ; c’est le mouvement perpétuel ; mais, hélas ! cette roue tourne à vide.

L’homme qui, après sa prise du pouvoir a épousé une princesse étrangère est un carriériste avantageux.

Il aime la gloriole, les paillettes, les grands mots, ce qui sonne, ce qui brille, toutes les verroteries du pouvoir.

Il a pour lui l’argent, l’agio, la banque, la Bourse, le coffre-fort. Il a des caprices, il faut qu’il les satisfasse.

Quand on mesure l’homme et qu’on le trouve si petit et qu’ensuite on mesure le succès et qu’on le trouve énorme, il est impossible que l’esprit n’éprouve pas quelque surprise.

On y ajoutera le cynisme car, la France, il la foule aux pieds, lui rit au nez, la brave, la nie, l’insulte et la bafoue ! Triste spectacle que celui du galop, à travers l’absurde, d’un homme médiocre échappé “.


Victor HUGO, dans “Napoléon, le petit”
Réédité chez Actes Sud

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C
Hélas, tout n'est pas si simple et il faut une intelligence certaine pour truander le monde à un haut niveau et une grande connaissance des lois pour les détourner à son avantage...<br /> Et ces gens-là suscitent souvent(encore hélas) l'admiration de nombreuses personnes.<br /> Bonnes fêtes à ceux qui ont encore le coeur et les moyens de les vivre comme telles...<br /> <br /> Christiane (pas aigrie, j'ai de la chance, 2 pensions de retraite nous permettent de mettre un peu de beurre dans les épinards et quelques livres dans les souliers de mes 6 petits-enfants.<br /> Mais les adultes se passeront de cadeaux...)
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C
Puisque V. Hugo est mon écrivain préféré, je me permets de rajouter ceci(veuillez excuser la longueur...):<br /> <br /> Chaque enfant qu'on enseigne est un homme qu'on gagne.<br /> Quatre vingt-dix voleurs sur cent qui sont au bagne<br /> Ne sont jamais allés à l'école une fois,<br /> Et ne savent pas lire, et signent d'une croix.<br /> C'est dans cette ombre-là qu'ils ont trouvé le crime.<br /> L'ignorance est la nuit qui commence l'abîme.<br /> Où rampe la raison, l'honnêteté périt.<br /> <br /> Dieu, le premier auteur de tout ce qu'on écrit,<br /> A mis, sur cette terre où les hommes sont ivres,<br /> Les ailes des esprits dans les pages des livres.<br /> Tout homme ouvrant un livre y trouve une aile, et peut<br /> Planer là-haut où l'âme en liberté se meut.<br /> L'école est sanctuaire autant que la chapelle.<br /> L'alphabet que l'enfant avec son doigt épelle<br /> Contient sous chaque lettre une vertu ; le cœur<br /> S'éclaire doucement à cette humble lueur.<br /> Donc au petit enfant donnez le petit livre.<br /> Marchez, la lampe en main, pour qu'il puisse vous suivre.<br /> <br /> La nuit produit l'erreur et l'erreur l'attentat.<br /> Faute d'enseignement, on jette dans l'état<br /> Des hommes animaux, têtes inachevées,<br /> Tristes instincts qui vont les prunelles crevées,<br /> Aveugles effrayants, au regard sépulcral,<br /> Qui marchent à tâtons dans le monde moral.<br /> Allumons les esprits, c'est notre loi première,<br /> Et du suif le plus vil faisons une lumière.<br /> L'intelligence veut être ouverte ici-bas ;<br /> Le germe a droit d'éclore ; et qui ne pense pas<br /> Ne vit pas. Ces voleurs avaient le droit de vivre.<br /> Songeons-y bien, l'école en or change le cuivre,<br /> Tandis que l'ignorance en plomb transforme l'or.<br /> <br /> Je dis que ces voleurs possédaient un trésor,<br /> Leur pensée immortelle, auguste et nécessaire ;<br /> Je dis qu'ils ont le droit, du fond de leur misère,<br /> De se tourner vers vous, à qui le jour sourit,<br /> Et de vous demander compte de leur esprit ;<br /> Je dis qu'ils étaient l'homme et qu'on en fit la brute ;<br /> Je dis que je nous blâme et que je plains leur chute ;<br /> Je dis que ce sont eux qui sont les dépouillés ;<br /> Je dis que les forfaits dont ils se sont souillés<br /> Ont pour point de départ ce qui n'est pas leur faute ;<br /> Pouvaient-ils s'éclairer du flambeau qu'on leur ôte ?<br /> Ils sont les malheureux et non les ennemis.<br /> Le premier crime fut sur eux-mêmes commis ;<br /> On a de la pensée éteint en eux la flamme :<br /> Et la société leur a volé leur âme.<br /> <br /> Victor HUGO, Les Quatre vents de l'esprit, I, 24 / 1881<br /> <br /> Cordialement de Corse :-))<br /> Christa
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T
Je ne connaissais pas ce texte, et durant la lecture j'ai bien cru qu'il s'agissait d'un texte de maintenant...<br /> Il est peut être un descendant de Napoléon alors!!!<br /> Si la France et les Français pouvaient tirer une leçon de leurs erreurs...parce que faut quand même pas se leurrer, il a bien été élu, notre cher Président!!!
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E
Les seuls héros que la France aie jamais reconnu sont ceux qui ont le mieux ralé contre le pouvoir établi (ou élu) ou ont le mieux massacré le-dit pouvoir.<br /> Personne de constructif n'a jamais eu du succès en France, alors évidemment, a ce train la, l'histoire récente ne peut nous pondre que des pseudo-héros. Les vrais créateurs ont compris: ils partent à l'étranger. L'étranger, c'est ce pays immense autour de la France, ou les gens ne crachent pas sur ceux qui tentent quelque chose, ou parfois pire encore, réussissent.
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C
excellent!!!!!!!!!!!!!<br /> je le savais...........
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